Énigmes médicales > Les prions
Dans les années 1950, le professeur Carleton Gajdusek de l’Institut des Maladies Neurologiques à Bethesda (Maryland) étudiait les causes d’une maladie mystérieuse qui touchait des tribus de la Nouvelle-Guinée (aujourd’hui Papouasie Nouvelle-Guinée), appelée par les indigènes „kuru”, qui veut dire „tremblement”. Cette maladie provoquait, entre autres, les troubles de l’équilibre, les tremblements, des rires ou des pleurs incontrôlés, et elle aboutissait au décès du malade un an après l’apparition des premiers symptômes.
Le chercheur a découvert un lien entre la maladie et des pratiques cannibales du peuple, qui consistaient à consommer les cadavres des membres de la famille, et à utiliser le sang des personnes décédées pour s’en enduire la peau. Ce qui était curieux, c’est que la maladie mettait du temps à se déclarer car elle pouvait apparaître après quelques mois, et même 40 ans plus tard. Et elle tuait surtout ceux qui avaient consommé le cerveau. Selon le professeur Gajdusek, cette maladie était causée par les virus qui, après avoir pénétré dans l’organisme, passaient une période d’incubation plus au moins longue avant de se multiplier et détruire l’organisme infecté.
Dans cette situation, le professeur a entrepris une action de pédagogie au sein des tribus en vue d’éradiquer le rituel cannibale. Et il a réussi sa mission. Les tribus ont abandonné rapidement cette tradition, et le nombre de malades a fortement baissé. Aujourd’hui, les tribus Foré ne sont plus frappées par cette maladie.
Mais, les recherches scientifiques se sont poursuivies afin de trouver l’agent pathogène de cette maladie parce qu’ en réalité, aucun virus lent n’a été découvert. On pouvait constater seulement que les symptômes de la kuru ressemblaient à ceux de la maladie de Creutzfeldt-Jacob.
En 1982, le terme de prion est adopté, et Stanley B. Prusiner a reçu le prix Nobel pour ses travaux sur les prions qui étaient considérés désormais comme source d’infections.
Mais, les prions ne sont pas des agents infectieux comme les autres : ils ne peuvent pas se multiplier. Ce sont des molécules protéiques qui détruisent le système nerveux central des malades au cours des maladies suivantes chez les humains : kuru, Creutzfeldt-jacob, Gerstmann-Sträussler-Scheinker, et des maladies vétérinaires : l’encéphalopathie spongiforme bovine et la tremblante du mouton.
En 1996, la presse divulguait des informations inquiétantes sur la maladie de Creutzfeldt-Jacob, et sur le risque de transmission de la maladie de l’animal à l’homme. On a averti la société que la consommation de viande provenant d’animaux malades pouvait induire cette maladie.
Le professeur Carleton Gajdusek a prouvé déjà dans le passé cette possibilité parce qu’il avait réussi de transmettre la maladie de kuru ou la maladie de Creutzfeldt-Jacob à des singes sains par des injections d’extraits de cerveau des personnes décédées de ces maladies.
Également, certains patients opérés pour une greffe de rétine ou des patients ayant reçu le traitement par hormones de croissance ont contracté la maladie de Creutzfeldt-Jacob, eux aussi, car les produits qu’ils avaient pris étaient contaminés.
Et si une autre explication de ce mécanisme infectieux existait ?
Selon moi, la cause de la maladie de kuru était différente de celle que le professeur Gajdusek s’imaginait. Or,on sait qu’au cours de la cérémonie dédiée au défunt, les membres de la famille utilisaient le sang de la personne décédée pour l’étaler sur leurs peau recouverte de plaies ouvertes ,et ensuite, ils se massaient pour bien s’imprégner de ce sang. Cette pratique permettait le contact avec le sang, et donc avec divers antigènes provenant de diverses personnes décédées, ce qui se terminait par une forte sensibilisation à ces antigènes.
Un premier contact avec le sang étranger induit une faible réponse immunologique, c’est pourquoi la kuru ne se manifestait par immédiatement. Mais, la pratique répétée à l’occasion d’autres décès pouvait provoquer une sensibilisation beaucoup plus forte et, par voie de conséquence, une hypersensibilité aux haptènes humains. Il est possible d’avoir une vie longue et en bonne santé en dépit de cette hypersensibilité à condition de ne plus être en contact avec les haptènes (précurseurs d’antigènes) ayant causé ladite sensibilisation. Mais, bien sûr, cette condition était irréaliste pour les membres de la tribu Foré comme pour n’importe quel peuple car les humains vivent en société.
Dans les années 1996 et 1997, le professeur Tadeusz Marcinkowski de l’Académie de Médecine à Szczecin en Pologne a publié ses ouvrages où il présentait un rôle probable des complexes immuns dans la maladie de Creutzfeldt-Jacob, de Gerstmann-Sträussler-Scheinker, de l’encéphalopathie spongiforme bovine,de la kuru, de la tremblante du mouton et de la chèvre, ainsi que dans la maladie d’Alzheimer et d’autres maladies neurodégénératives, dont le signe caractéristique est l’accumulation de molécules protéiques appelées molécules amyloïdes dans les neurones du cerveau. Le professeur affirme que les dépôts amyloïdes sont formés de diverses protéines et de 1 à 2% de mucopolysaccharides.
Dans un ouvrage scientifique paru à la fin des années 70, on trouve une description des fibres de forme spirale dans les cerveaux des animaux malades, qu’on a appelées scrapie (en anglais associated fibrils ou SAF). Ces fibres ont un diamètre de 7-14 nm et la longueur de 1600 nm.
Sur la base de toutes ces données, le professeur de médecine Tadeusz Marcinkowski a formulé une hypothèse que la scrapie (ou la tremblante du mouton), les dépôts amyloïdes et les prions sont des complexes immuns circulants (CIC). Il y a des petits CIC qui sont transportés par le sang, et les grands CIC qui ont tendance à se précipiter et à se déposer au niveau de l’endothélium des capillaires. Les CIC ont de différentes structures, et ils induisent diverses maladies.
Je partage ce point de vue, et je propose d’analyser les données suivantes à l’appui de cette thèse :
1) SAF – Ces fibres pourraient résulter de l’agglomération des anticorps liés entre eux par des haptènes. Elles ont un diamètre de 7 à 14 nm, et il est possible qu’elles soient formées par des anticorps – dimères liés par des haptènes.
Fig.: Un schéma des complexes immuns dont les formes et les dimensions se rapprochent de celles de SAF (les haptènes lient les anticorps-dimères en créant des structures ayant l’aspect fibreux).
2) Les anticorps se présentent sous forme de monomères, de dimères, de trimères et de pentamères. Les haptènes – s’ils sont complexes – possèdent plusieurs déterminants antigéniques, et ils peuvent lier deux anticorps. Les complexes immuns ainsi formés ont des structures variées en fonction du type d’anticorps impliqués (monomères, dimères…).
Ainsi, les prions, les dépôts amyloïdes caractérisant les maladies neurodégénératives, SAF, CIC, malgré leurs structures distinctes, semblent avoir un caractère commun : ils sont fabriqués dans l’organisme d’une façon identique. Et ce sont les haptènes qui y jouent le rôle central.
Deux conditions rendent possible l’apparition de maladies vétérinaires mentionnées ci-dessus : d’abord, une sensibilisation, et ensuite, une réponse allergique lors d’un nouveau contact avec les complexes antigène-haptène impliqués.
Il y a plusieurs circonstances susceptibles de provoquer une hypersensibilisation : le vêlage, les conditions d’élevage et la vaccination.
Quelle influence ont-elles sur la santé animale ?
1) Le vêlage.
De nombreuses races modernes ont été obtenues par les multiples croisements. Les animaux de races nouvelles ont souvent de plus grandes tailles, et ils peuvent avoir une mise bas difficile, compliquée, et favorisant une sensibilisation.
2) Les conditions d’élevage.
Les animaux alimentés avec des farines animales risquent d’absorber des haptènes nocifs,ce qui est fort probable si les vaches mangent des produits carnés (des vaches mangent des vaches). De plus, en cédant à la facilité, les fermiers préfèrent élever leurs animaux enfermés dans les étables. C’est une situation aggravante pour les animaux de ferme qui, au lieu de profiter des prés à l’extérieur, n’ont à leur disposition qu’un air chargé en haptènes potentiellement nocifs.
Edward Jenner (1749-1823), médecin anglais et pionnier de la vaccination contre la variole, a ressuscité l’intérêt pour la vaccination comme moyen de prévention contre les maladies infectieuses. Mais l’acte vaccinal répété et effectué avec toutes sortes de vaccins comporte des risques de sensibilisation aux divers antigènes.